steelpan

Le Pan

Steeldrum, steelpan, pan, autant de termes définissant ce « Tambour d’acier ». Cet instrument encore peu connu du grand public nous vient tout droit de Trinidad et Tobago, dernières îles des petites Antilles au large du Venezuela.
Nous vous proposons un petit voyage dans le temps afin de mieux comprendre l’origine pas bidon de cet instrument.

Localisation de Trinidad et Tobago
Drapeau de Trinidad et Tobago

En 1884, le pouvoir colonial britannique en place à Trinidad-et-Tobago interdisait les tambours à peau des descendants d’esclaves. Faute de mieux, les musiciens noirs utilisaient alors ce qui leur tombait sous la main : boîtes de biscuits, de peinture, poubelles, ustensiles de cuisine.

L’histoire dit qu’en 1947, un garçon de 25 ans, qui brûlait d’envie de faire encore plus de bruit, s’est emparé d’un baril de 55 gallons dans l’entrepôt de la base américaine. Pourchassé par la police, il a juste réussi à sauver, dans sa fuite, le haut du bidon. Il l’a travaillé, au feu, à l’eau, au maillet, pour lui faire rendre les sons mélodiques du steeldrum d’aujourd’hui. Il l’a passé autour de son cou.

Un des premiers steelband de Trinidad et Tobago

L’unique instrument acoustique du XXe était né.

Contrairement à ce qu’on pourrait croire, le pan ne rend pas un son grave et mat de bidon percuté, mais une très large gamme de notes cristallines et légères proches de celles du xylophone, qui ouvre à tous les répertoires. Du calypso, bien sûr, aux pièces classiques les plus élaborées.
Dès son avènement, le steel drum fut immédiatement adopté par les bands de Port-of-Spain. Les bands ? Plutôt les gangs, en réalité. Ceux des quartiers pauvres du ghetto qui s’opposaient les uns les autres dans des rivalités parfois meurtrières. L’histoire dit encore que c’est depuis l’organisation d’un panorama annuel que les bandes rivales, en s'affrontant par la musique, ont baissé les armes. Alors, réhabilité par les intellectuels et les personnalités qui aimaient le pan, celui-ci a gagné sa respectabilité. C’est aujourd’hui un emblème national de Trinidad-et-Tobago.

Pour faire sonner chaque facette de l’instrument, les panistes utilisent des « sticks » (paire de baguettes en bois avec une extrémité en caoutchouc). Il existe de nombreux types de pan allant d’un unique bidon jusqu’à parfois 12 ! Chaque instrument est regroupé en section du plus grave au plus aigus en passant par les médiums.

Baguettes (ou sticks) permettant de jouer du steelband
Steelpans de Calyps'Atlantic

Le panyard

"Au panyard on ne regarde jamais à la date de naissance du musicien ni à sa position sociale."

Lieu emblématique des répétitions, le Panyard est le local où se réunissent les différents musiciens d’un steelband. On pourrait le traduire vulgairement par “champ de casseroles”, référence aux centaines de pan présents dans le local. Véritable lieu du vie de l’association, le panyard est le théâtre des répétitions individuelles ou collectives, mais également des fêtes annuelles de l’association ou d'événements plus exceptionnels.
L’association a posé ses bagages depuis avril 2019 au 23 rue de la Californie à Rezé (Trentemoult).

Intérieur du panyard de Calyps'Atlantic
Extérieur du panyard de Calyps'Atlantic

Trinidad et Tobago

Trinidad et Tobago sont deux îles, berceau du steeldrum mais également du Calypso et de la Soca. Aussi appelée “Rainbow Nation”, ces îles regroupent la plus grande diversité culturelle de populations. En effet de nombreuses ethnies telles que les communautés africaine, indienne, créole, etc, y vivent. On y parle anglais, patois, créole, indien et bien plus. Fort de ses richesses culturelles, T&T vibrent aux rythmes des traditions de toutes les communautés. Le carnaval est une des preuves de la réussite de ce géant melting-pot. L’île de Trinidad est la plus importante, avec sa capitale Port-of- Spain et son dynamisme économique, contrairement à sa petite soeur Tobago, réputée pour son calme et ses plages paradisiaques. Mais Trinidad et Tobago est également un pays avec une très grande biodiversité. Ibis rouges, colibris et beaucoup d'autres espèces peuplent les mangroves, jungle et forêts primaires du pays. Le Carnaval de Trinidad et Tobago est le deuxième carnaval du monde après celui du Brésil.

Ibis rouge de Trinidad et Tobago
Une plage de Trinidad et Tobago

Le panorama

Chaque année, quelques semaines avant le carnaval, Trinidad vibre au rythme des dizaines de steelbands qui s'entraînent inlassablement pour la plus grande compétition du steeldrum au monde : le Panorama.

Au début des années 60, l’instrument occupe une grande place dans la culture populaire et les premiers steelbands apparaissent. Ces groupes de musiciens rivalisent dans les rues de Trinidad et Tobago menant à des affrontements violents. Par mesure de sécurité, le gouvernement mis en place un concours officiel où les steelbands pouvait s’exprimer au travers de leur musique. Très vite, les couteaux et autres armes furent remplacé par les pan et les sticks. C’est ainsi que le steeldrum est passé du statut de simple instrument de musique à un symbole de paix et de cohésion sociale pour toute une nation. Le premier Panorama eu lieu en 1963 au Queen’s Park Savannah.

Queen’s Park Savannah à Trinidad

Cette compétition d’envergure nationale se déroule en trois étapes, les préliminaires, les semi-finales et la finale. Il existe trois catégories pour participer au panorama.
Les smalls bands, regroupant les steelbands de 60 à 80 joueurs,
Les médiums bands, de 80 à 100 joueurs
Les larges bands de 100 à 120 joueurs.
A l’issue des préliminaires, 14 bands par catégories sont retenues pour les semi-finales puis 10 pour la finale.

Uptown Fascinators, gagnant du panorama 2020 en small band
Les Renegades lors de la finale du panorama 2019

Chaque steelband fait appel à un arrangeur qui a pour mission de choisir un morceau et de l’adapter au steelband. Un morceau de Panorama doit durer au minimum huit minutes. Traditionnellement, les bands choisissent des morceaux de Calypso tels que les titres des très célèbres Lord Kitchener ou bien Mighty Sparrow, mais peu à peu la Soca se popularise et fait aujourd’hui souvent parti des choix des arrangeurs. Le morceau original est composé par un calypsonian mais la partie créée par l’arrangeur représente finalement le style du morceau. Chaque groupe est jugé sur la qualité de son arrangement, son interprétation, mais également sur le côté artistique du groupe (costumes, décoration des stands, esprit carnaval...). Chaque année, ce sont des milliers de chars et de bidons qui empruntent la « road to Savannah » pour présenter des semaines de travail.
Le Panorama n’est pas seulement un événement national. Chaque année, des panistes du monde entier intègrent les différents steelbands pour vivre cette expérience.
Depuis plus de 50 ans, le Panorama est un rassemblement incroyable donnant lieu à des interprétations de morceaux plus extraordinaires les unes que les autres. De nombreux arrangeurs sont devenus célèbres grâce à leur talent et leurs multiples victoires.

Les Renegades lors de la finale du panorama 2019

Le carnaval

Souvent comparé à celui de Rio, le carnaval de Trinidad et Tobago est le deuxième carnaval le plus grand du monde. Si les festivités commencent dès le lendemain de la finale du Panorama, les préparatifs commencent dès le début de l'année. Les costumes revêtent leurs plus belles plumes, l'île vibre au son des steelbands répétant inlassablement pour le panorama, les Calypsonians préparent l'élection du Calypso Monarch et les Socamans dévoilent les futurs hits du Carnaval qui feront danser des millions de personnes.

Cet événement n’est pas seulement l’occasion de faire la fête, c’est au travers de cet événement que le peuple trinidadien s’est affirmé et commémore ses racines. De nombreux français ont fuit la Révolution Française en venant s’installer avec leurs esclaves sur l’île, emportant avec eux les traditions du Carnaval Français. À l'origine, cet événement était exclusivement réservés aux colons français. Avec le temps, les esclaves ont été autorisés à y assister, mélangeant ainsi leurs traditions avec la culture française.
Lors de l’abolition de l’esclavage, ces derniers créèrent leur propre version du Carnaval dans la rue, avec notamment l’utilisation de Bamboo Tamboo. Dès lors, le carnaval se développera jusqu’à devenir un des symboles les plus importants de l’île.
La fête dure trois jours et commence le dimanche suivant la finale du panorama.

Groupe de Bamboo Tamboo
Carnaval de Trinidad et Tobago

L'un des plus grands moments du carnaval est "J'ouvert". Dans la nuit du dimanche au lundi, les habitants descendent dans la rue recouvert d’huile, de peinture, chocolat, goudron ou tout autre mélasse. Des band hurlent mimant des “Jab Jab”, démons et autres monstres. J’ouvert est une fête pour commémorer la mémoire des esclaves et les racines de la population. Les festivités continuent jusqu’au petit matin au son de la soca et sous des jets de poudre de couleurs pour peu à peu, laisser place à Mardi Gras. Apogée du carnaval et véritable explosion de couleur, les “mas” de carnaval envahissent les rues, parés de leurs plus beaux costumes et dansent au rythme de la soca. Les groupes passent par le célèbre Savannah Park pour défiler sur le “socadrome” devant un jury. Chaque Mas’band est jugé sur le dynamisme, l’originalité des costumes, le thème les couleurs etc. Tous ne rêvent que d’une chose, obtenir le titre de la meilleure “Mascarade” et être sacrée “band champion”.

Quand vient minuit, la folie de Mardi Gras laisse place au mercredi des cendres et sonne la fin de la plus grande fête du monde. Durant toutes les festivités, les steelbands accompagnent la population en déambulant sur d’énormes camions. Chaque année, tous les festivaliers sont touchés par le même mal lors de la fin de cette immense fête, le “Carnival Hangover”, mais tous n’attendent qu’une chose… recommencer l’année d'après.

J'ouvert
Carnaval de Trinidad et Tobago

Le calypso

Le terme Calypso désigne un genre musical chanté, de commentaire social, ainsi que le rythme caractérisant son accompagnement instrumental, datant de la fin du XIXe siècle...

Les chanteurs de Calypso, les Calypsonians se servaient de ces textes pour aborder, de façon satirique, les rapports entre les classes sociales, les sexes, les communautés, témoignant de l’histoire et des moeurs du pays.

Le Calypso a évolué avec le temps pour intégrer peu à peu des instruments tels que le synthétiseur, les congas, la guitare électrique, la basse ainsi que la batterie.

Emblématique du Carnaval, cette musique aux influences africaines, issues des communautés urbaines de Trinidad, est devenue un des symboles de l'identité Trinidadienne.

Les Calypsonians deviennent de véritables stars et se retrouvent pour s’affronter lors de compétitions pendant le Carnaval appelé “ex-tempo” (joutes verbales durant lesquelles les chanteurs improvisent).

Durant le carnaval, on retrouve notamment la compétition de l'élection du Calypso Monarch. Lord Kitchener, Mighty Sparrow, Duke, Mighty Shadow, David Rudder, Baron sont autant de grands noms qui ont marqué l’histoire du Calypso.
Calypso Rose fut la première femme à remporter le titre de Calypso’Monarch en 1978, qui lui vaut, encore aujourd’hui, son nom de “Calypso Queen”. C’est d’ailleurs à la suite de sa victoire que le titre de Calypso King est renommé Calypso’Monarch.

Calypso Rose

Calypso Rose

Lord Kitchener

Lord Kitchener

La soca

Fin des années 70 née une version accélérée du Calypso, la Soca, qui mélange traditions ainsi que rythmes africains et amérindiens.

Tout comme le calypso critiquait des thèmes de société, les paroles de la soca invitent à lâcher prise, sauter et se défouler en winant.

Les figures les plus connues de la soca sont Machel Montano, Bunji Garlin, Farmer Nappy, Destra Garcia, Patrice Roberts, Skinny Fabulous, Voice et bien d’autres !
Lors du carnaval, le prix de Soca Monarch récompense le meilleur titre présenté en compétition.

Destra

Destra

Machel Montano

Machel Montano